Vieillir, c’est vivre seul ?
Vieillir et vivre seul, est-ce renoncer à partager des moments de vie, prendre soin de soi, et être heureux ? Ce mois-ci, avec notre rubrique « Changez de regard » découvrez le thème : Vieillir c’est vivre seul ? Ce préjugé est traité en 3 visions différentes : Experts (professionnel du secteur), personnels du groupe Espace et Vie, et résidents. Tous nous donnent leur vision pour lutter contre cet a priori.
« Je souhaite, ne plus vivre seul », «Mes journées me semblent interminables» :
Voici des années que j’entendais ces paroles dans mon quotidien d’infirmière. Une maison devenue trop grande et silencieuse, la perte d’un conjoint, l’éloignement des proches… sont en effet souvent des épreuves difficiles à surmonter pour les personnes âgées rencontrées. Pour beaucoup, les incertitudes et l’inquiétude de vieillir seul sont un moteur puissant pour décider d’un changement de vie.
Depuis un an, la résidence Espace et Vie de Libourne a ouvert ses portes. Les habitants découvrent la possibilité de pouvoir vivre seuls et entourés. Les débuts ne sont pas toujours faciles. Il faut souvent traverser la douloureuse étape de transition entre maison historique et appartement ergonomique, passer de l’individuel au résidentiel. Mais grâce à la bienveillance des habitants et de l’équipe, chacun trouve peu à peu de nouveaux repères. Des plaisirs endormis ou insoupçonnés surgissent, des amitiés se créent, des liens se tissent.
Une convivialité retrouvée
Nos échanges, les rendez-vous quotidiens autour des activités ou du sacro-saint déjeuner, la place du village, reconstituée sous le porche …. sont autant d’instants de convivialité. Partager, sans y être obligé, les grands et les petits moments de la vie. Soutenir ou se réjouir pour son voisin. En couple, en collocation ou seul, chacun trouve ici de la réciprocité et l’énergie de formuler à nouveau des projets. Pour notre plus grand bonheur, les résidents témoignent aujourd’hui d’une vie conviviale et rassurante.
Chaque mois, la résidence s’enrichit de l’arrivée de ses nouveaux habitants, de leurs proches et de l’ensemble des intervenants extérieurs. Nous nous croisons, nous travaillons conjointement à la qualité du maintien à domicile des habitants. Nous partageons nos impressions, nos victoires, nos inquiétudes. Les espaces se voient également habités par de nombreux partenaires à qui nous prêtons des salles. Ils proposent en retour des activités aux résidents et à d’autres habitants du quartier. Ce système d’échanges offre un projet de vie dynamique et loin des représentations sociales de la vieillesse.
Grâce à ces nouveaux modes de vie librement communautaires, notre société offre à ses ainés, leurs proches et leurs aidants l’opportunité d’une vie ouverte sur le monde, nourrie d’échanges, d’entraide et d’authenticité. Notre maison de famille va continuer de se remplir, notre équipe de s’agrandir, nos partenariats de se nourrir. Puisse cette belle énergie perdurer grâce à tous.
Deux infirmiers de cabinets libéraux différents nous ont offert leur regard sur la question « Vieillir, c’est vivre seul ? »
Voici leur dialogue :
« Vivre seul est un phénomène qui prend de l’ampleur avec l’espérance de vie qui s’allonge. D’après une étude canadienne, ce sont les femmes qui vieillissent le plus souvent seules mais l’espérance de vie n’est pas l’unique élément à prendre en compte. En effet, la qualité de vie est aussi liée à notre environnement familial et culturel. Afin d’éviter de s’isoler et favoriser le maintien d’une vie confortable, il apparait important de développer un réseau social ; en participant à des activités ludiques, culturelles et sportives. Vieillir c’est continuer à vivre, à évoluer, en ayant conscience que cette vie passe par des changements à la fois prévisibles et imprévisibles. »
Témoignage d’Elodie Martrenchard, infirmière libérale :
« Dans mon travail, en tant qu’infirmière libérale, je suis au contact d’une population vieillissante qui cherche en permanence à maintenir sa liberté et son autonomie. La pratique à domicile permet de mesurer les difficultés de chacun et leur manque de lien social croissant.
Voir des liens se tisser entre les résidents une opposition au « vivre seul »
Depuis que je travaille auprès de patients qui ont emménagé à la résidence Espace et Vie de Libourne, j’ai pu constater que ces derniers avaient commencé à tisser des liens entre eux. Il s’y développe une entraide et une bienveillance des uns envers les autres.
Dans ce lieu de vie, nous, professionnels de santé, avons également la possibilité de prendre un temps pour échanger sur les diverses problématiques entre intervenants. Pour ainsi, améliorer la prise en charge de nos patients. Nous prenons aussi le temps pour discuter de notre métier.
Ce concept de « résidences services séniors » permet de combiner une vie autonome et indépendante. De par ses logements adaptés à une perte d’autonomie et la prise en charge par des professionnels pluridisciplinaires, sans pour autant rentrer dans l’institutionnalisation. »
Témoignage de Benoit Faubet, infirmier libéral :
« Dans mon quotidien, je rencontre toutes sortes de personnes, hommes, femmes, en couple, veuf, et me rends compte que malgré la multitude d’intervenants et la solitude qu’ils expriment, certains ont vraiment besoin d’intimité !
Cependant, depuis que j’interviens dans la résidence services, je rencontre des personnes qui sont partie prenante dans les valeurs de cette structure : le partage, l’échange… chacun à sa façon et à intervalles différents. Même les plus réticents à « l’interaction » le font à leur manière ; échange avec le voisin, on va chercher le courrier, un petit bonjour à l’infirmier ou au kiné d’un autre habitant au détour d’un couloir, on se tient informé des arrivées de ses futurs voisins. Ce lieu de vie où se croise direction, employés, intervenants extérieurs, familles offre une ambiance chaleureuse et familiale.
Une pause dans ma tournée pour échanger
Pour moi, c’est une pause dans ma tournée où je peux échanger avec certains résidents, la direction, toujours présente pour répondre à mes questions ou échanger sur une problématique rencontrée, saluer un collègue et discuter de tout.
Pour conclure, la résidence permet à chacun de vieillir comme il l’entend : possibilité d’interactions, d’activités, de lien social ou simplement rester chez soi, dans son intimité, vivre seul, en sachant que quelqu’un sera là s’il en a besoin ! »
Nous sommes artisans de notre vie
Oui, vieillir, ce peut-être vivre seul. La solitude non choisie existe ! On l’a expérimenté. On en a plus ou moins souffert. Elle peut procurer des angoisses, de la tristesse. On ne communique plus, on se sent inutile ; et puis l’âge est là… Au fil des ans, des facteurs impondérables surgissent, avec la nécessité plus ou moins prégnante d’assistance physique et ou psychique, qui peuvent aboutir à une sensation de solitude.
Un être humain quel que soit son âge, peut, même très entouré, très soutenu, très écouté, rester dans sa solitude, imperméable aux autres et à lui-même.
Mais, suivant nos possibilités d’autonomie, de capacités existantes, nous pouvons rester ou non en relation constante avec la vie. Cela dépend évidemment de l’histoire personnelle de chacun, du tempérament de la volonté ou non d’être actif, d’aller chercher du lien social, des ressources. Nous seul pouvons décider d’être acteur de notre vie. Nous sommes vecteurs de transmission d’expérience, de connaissance, de sagesse pour notre entourage et les jeunes générations. C’est à travers tout cela que nous nous sentons exister.
Pour beaucoup d’entres nous, l’installation à la résidence permet de se rencontrer au quotidien.
Nous avons plaisir à participer aux animations à l’intérieur comme à l’extérieur de la résidence. Le rapprochement familial, les liens qui se tisent au sein de la maison sont des éléments essentiels et important pour ne pas se sentir seul. Les nouvelles technologies favorisent les échanges et permettent aussi de rester connectés au monde qui nous entoure.
A la lumière du quotidien, on se dit : « je suis ravie, je suis bien ici, au moins je vois du monde… » et les épreuves les plus lourdes s’adoucissent…
S’il ne nous reste que notre sourire, alors offrons-le en don précieux de reconnaissance à toutes celles et ceux qui, sans nous infantiliser, nous permette de ne pas vivre seuls en nous respectant et en nous aimant.
Jeanine, Jacqueline, Françoise, Anne, Marie-France, Mireille, Geneviève, Monique.