Changez de regard

 

L’habitude de croire que les personnes âgées qui vivent en résidences services seniors ne peuvent plus prendre leur vie en main est encore trop répandue. Au contraire, chez Espace & Vie, nous pensons que l’âge ne doit pas les priver d’occasions de vivre des moments de plaisir et de s’enrichir de nouvelles expériences…

Espace & Vie s’engage cette année sur le « Changez de Regard ». Chaque mois, vous découvrirez un nouveau préjugé. Traité en 3 visions différentes.
Experts (professionnel du secteur), directeurs des résidences, ainsi que résidents nous donnent leur vision pour lutter contre ces préjugés.

Janvier changez de regard


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Violaine Garcia, directrice la résidence Espace & Vie Rennes La Mabilais 

 

violaine directrice changez de regard« Directrice d’une résidence pour les vieux, franchement, c’est tout ce que tu as trouvé comme poste ?! » , « Alors, ça se passe bien avec tes p’tits vieux ?! », « Ça ne doit pas être drôle tous les jours. C’est inutile et déprimant les vieux »…

Voilà le genre de réflexions qu’il m’arrive encore d’entendre ; ces mots me blessent profondément en tant que personne mais aussi en tant que professionnelle. Le regard ainsi porté sur nos ainés, empreint de « pitié » ou de mépris, et tous ces a priori du quotidien me semblent juger, condamner et enfermer les seniors dans une forme de stéréotype.

Il est à mon sens grand temps de Changer de Regard sur nos aînés.

Comment faire comprendre à cette partie de la société qui dévalorise et rejette ses vieux, que nous sommes fier(e)s d’accompagner et de soutenir au quotidien ces hommes et ces femmes ; qu’ils nous font l’honneur de nous accorder leur confiance en partageant leurs histoires, leurs joies, leurs peines, leurs angoisses. J’aimerai partager avec le plus grand nombre nos métiers et nos missions ; c’est la générosité et la richesse de notre quotidien qui nous font « grandir » jour après jour, rencontre après rencontre. Bien sûr que tout ne se passe pas toujours parfaitement bien, car la complexité humaine et la singularité de chacun engendrent parfois des désaccords, la vie n’étant pas un long fleuve tranquille ! Mais ce sont tous ces échanges, basés sur l’éthique de réciprocité, qui constituent l’existence et la vie au sein de nos résidences. Se soucier de l’autre, le regarder dans les yeux, le considérer et le respecter, d’égal à égal, parce qu’être vieux ne veut pas dire ne plus être, ne plus exister, ne plus avoir de sentiments. Telles sont les valeurs que je défends au quotidien en tant que directrice d’une résidence services seniors. Je crois qu’en chacun de nous brille une étoile, mais parfois, avec le temps ou la maladie, son scintillement est moins intense, mais elle ne s’éteint pas pour autant. Nos résidences sont des constellations, des écosystèmes, ponctués d’éclats de rire, débordants de vie et de liberté, où chacun trouve sa place. Alors oui, je suis directrice d’une résidence pour les « vieux », et c’est une expérience extraordinaire ! Nous deviendrons tous des vieux, c’est une loi universelle, mais nous resterons nous-même parce que nous serons accompagnés par des professionnels impliqués, bienveillants et respectueux, à l’instar des équipes d’Espace et Vie.

 

 

L’expert choisi par Violaine Garcia : Laurence Hardy – Sociologue – Anthropologue

Au cours de ma formation de direction à Askoria, j’ai souvent parcouru les rayonnages du Centre de Ressources, à la recherche d’ouvrages, mais aussi d’inspiration, pour la rédaction de mon mémoire professionnel. Mais la littérature ne répond pas toujours aux questionnements existentiels ; tels que l’éthique, l’image de la vieillesse, la fin de vie (…). C’est alors que j’ai fait la connaissance de Madame Laurence Hardy ; elle m’a ouvert la porte de son bureau mais également de sa réflexion et de son savoir. Son soutien, son humilité et la richesse de nos échanges, m’a permis de prendre confiance ; également, d’élargir ma vision et d’affirmer mon implication auprès des personnes âgées.


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Laurence Hardy nous parle du « Changez de Regard »

Laurence Hardy sociologue changez de regard Rennes

Dans le pessimisme ambiant, j’affirme que l’avancée en âge est une chance.
Aberration ! bêtise ! me direz-vous. Au regard de ce qui nous est « asséné » régulièrement par les médias ; dépendance, isolement, engorgement des urgences, condition de vie dans les Ehpad, maltraitance… Ces situations inacceptables, inhumaines ne peuvent rester sans réponse ; mais en les généralisant, l’âgisme se renforce avec son corollaire : l’exclusion. Notons au passage que ce sont essentiellement des discours sur les « vieux » que l’on entend et non le discours des vieux ; passé un certain âge ou un âge certain, il est parfois complexe d’avoir un droit à la parole !

Alors, commençons par nous étonner voire nous émerveiller :

En effet, nous vivons une révolution démographique qui fait que 4 voire 5 générations peuvent se connaître et vivre des temps familiaux investis et choisis. De nouvelles formes de solidarités sont à l’œuvre, dont émergent des « piliers » à reconnaître : les proches aidants. Aussi, l’avancée en âge est un facteur d’innovations sociales qui permettent de prévenir les fragilités et de retarder certains effets du vieillissement ; nous réinventons nos espaces de vie afin de les rendre plus inclusifs. C’est également une opportunité économique et sociale créatrice d’emplois, de liens sociaux et de relations intergénérationnelles.

Ensuite, réenchantons le vieillissement afin de donner une place à chacun :

Et évidemment, plus encore aux vulnérables. Car, si le vieillissement sans incapacité est un réel progrès, nous devons aussi et surtout ; proposer un accompagnement bienveillant, empreint d’humanité aux plus vulnérables. Cet enjeu, inédit dans notre histoire, est une chance à saisir.
Puis, demeurons humbles car la question du vieillissement ne renvoie pas à une catégorie mais à un phénomène transversal qui touche tout le monde et qui doit permettre de construire des ponts plus que des barrières entre les âges ; nous sommes tous concernés. Alors, pourquoi ne pas tous changer de regard ?

 


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Changer de regard – Vieillir, c’est vivre seul ? Parole d’Emile Morin, Poète militant (90 ans)

emile morin residentUn choc. Urgences, hospitalisation, convalescence. Je suis âgé et dépendant. Une chance, je trouve place dans le dernier train. Les autres voyageurs ? Inconnus, juxtaposés. Aucune envie de ressasser la destination avec eux.
Lentement ma vision ferroviaire s’estompe. J’ai perçu initialement les membres du personnel d’Espace & Vie sous le seul aspect de leur fonction bienveillante. Mais au fil des jours, j’ai réalisé que chacun d’entre eux répondait à mon empathie. Ne sommes-nous pas embarqués dans une aventure intergénérationnelle commune ? Dans le respect des intimités.
Des clients posés côte à côte, les résidents ? Plus maintenant, à mes yeux. Avant le déjeuner, des visages s’éclairent, les échanges se multiplient dans le hall. Au restaurant, la convivialité perdure à la même table et avec les voisins.
Trois activités, choisies en fonction de mon parcours, de mes obligations et de ma santé ont balayé l’image tristounette que je me faisais de mon arrière-saison en solitaire. Aux Bonnes Nouvelles, une petite équipe partage avec l’animatrice les initiatives réjouissantes qui scintillent entre les nuages catastrophiques. Au groupe Échange et Réflexion le vécu affleure ou déboule autour du résident compétent qui l’anime. Aux Rencontres poétiques, se révèlent des talents imprévisibles, une diction en progrès, un goût de l’improvisation collective.
Toutes ces connivences raffermissent mes rapports avec ceux que j’ai toujours aimés. L’envie me revient d’écouter les générations sur la brèche. Où en sont-elles sur l’état du globe, la misère du monde et le numérique pétulant ? Sur quoi peut philosopher le groupe vivace, où mon cœur et ma raison ont trouvé le bonheur et qui s’étonna de mon stoïque au revoir ? Je souhaite débattre de l’actualité avec mes visiteurs, plutôt que de raconter les dégâts de ma biochimie.
Ma souffrance m’avait emmuré. La nouvelle compagnie de mes sœurs et frères de destin m’incite, chaque matin, à éprouver la vigueur du jour présent.

 

 

 


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